La richesse de la biodiversité sur Terre diminue de façon alarmante, quels sont les fondements scientifiques de ce constat ?
En 2019, les scientifiques de l’
IPBES* ont établi un état des lieux de la biodiversité à l’échelle planétaire qui montre qu’
une espèce sur huit est aujourd’hui menacée, soit un million d’espèces dans le monde.
Le taux d’extinction que l’on observe est 100 à 1000 fois supérieur à la normale. Cette étude fait date car c’est la première réalisée au niveau mondial. La biodiversité est aussi évaluée régulièrement par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)** qui édite des listes rouges d’espèces classées « vulnérables », « en danger d’extinction », « en danger critique d’extinction », ou « éteintes ». Dans leur rapport, les scientifiques de l’IPBES ont également mis en lumière les pressions, d’origine anthropique, qui s’exercent sur la biodiversité. A l’instar du climat, la biodiversité est en effet très impactée par les activités humaines.
*IPBES : Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES en anglais). C’est le pendant du GIEC (qui œuvre en faveur du climat), pour la biodiversité.
**UICN : l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature est l'une des principales organisations non gouvernementales mondiales consacrées à la conservation de la nature.
Quels sont justement ces facteurs de pression ?
Ils sont au nombre de cinq et les scientifiques les ont hiérarchisés par ordre d’importance. Le premier est le
changement d’usage des terres et de la mer. On entend par là l’artificialisation de tous les milieux, y compris ceux qui sont à l’interface de la terre et de la mer comme le littoral. Cela engendre rupture des équilibres naturels, fragmentation des habitats, etc. Le deuxième, c’est la
surexploitation des ressources et des organismes. On sait par exemple qu’aujourd’hui, la forêt n’est pas gérée de façon durable partout dans le monde, ou que les ressources en eau à certains endroits de la planète sont surexploitées. Le troisième, c’est le
changement climatique. Les interrelations sont importantes entre la biodiversité et le climat : le changement climatique impacte négativement la biodiversité en changeant les aires de répartition des espèces. A l’inverse, l’érosion de la biodiversité dégrade la résilience des écosystèmes face au changement climatique. Viennent ensuite
les pollutions au sens large : chimique, organique, plastique, etc. La pollution plastique a été multipliée par 10 depuis 1980, et de nouveaux types de pollutions émergent comme la pollution lumineuse qui influe sur la circulation des espèces en condition nocturne ou en contexte de migration. Enfin,
les espèces exotiques envahissantes constituent le cinquième facteur de pression sur la biodiversité. Leur déplacement génère en effet des perturbations dramatiques dans les écosystèmes et les équilibres existants. L’introduction du frelon asiatique ou de l’écrevisse de Louisiane en Europe en sont des exemples.
Face à ce constat, comment le Groupe SUEZ s'engage-t-il ?
Nos engagements pour la biodiversité s’articulent autour de trois axes. Le premier est un axe stratégique de
prise en compte de la biodiversité dans tous nos processus de décision. L’impact sur la biodiversité est ainsi devenu un critère d’évaluation de nos projets.
Le deuxième axe vise à
faire de la biodiversité un levier de performance environnementale pour l’entreprise. Dans ce cadre, nous déployons des plans d’action sur nos sites jugés prioritaires.
Enfin l’objectif du troisième et dernier axe est d’
être acteur de la préservation de la biodiversité. D’une part, il s’agit de sensibiliser car on ne peut pas avancer sur la biodiversité sans mobiliser l’interne et l’externe, d’où le déploiement de La Fresque de l’Environnement chez SUEZ. D’autre part, il s’agit de développer des
solutions à impact positif sur le capital naturel, dédiées notamment à l’agriculture durable, la nature en ville, ou encore la protection des milieux aquatiques et marins. Si nos métiers Eau et Déchets sont historiquement liés à la préservation des milieux naturels, il nous faut aller encore plus loin avec des solutions telles que
« Sea@dvancedSound » pour monitorer de façon acoustique la biodiversité marine.
Comme vous l'avez expliqué précédemment, ces engagements exigent la mise en place de plans d'actions sur sites prioritaires : qu'est-ce qu'un site prioritaire et en quoi consistent ces plans d'action ?
Deux critères permettent de déterminer qu’un site est prioritaire : sa taille ou sa localisation. Si le site a une
emprise au sol importante, on considère que l’on a une responsabilité environnementale car la biodiversité se développe sur des surfaces naturelles importantes. Le 2
e critère porte sur la présence de notre activité dans une
« Aire Protégée ». C’est une notion compliquée et il existe plusieurs référentiels pour définir les niveaux de protection. SUEZ utilise celui de l’UICN. Si l’un de ces deux critères est validé, alors le site est considéré comme « site prioritaire ». Ensuite, les plans d’actions déployés sur ces sites consistent à mettre en œuvre des bonnes pratiques. Nous parlons ici de
gestion différenciée des espaces verts, de gestion en prairie de fauche, d’éco-pâturage, d’initiatives zéro produits sanitaires, de restauration de milieu, ou encore d’implantation d’espèces locales… Les actions mises en œuvre sont nombreuses et peuvent s’effectuer dans un cadre réglementaire, ou relever d’initiatives volontaires menées avec des associations locales. En France, la station d’épuration de La Feyssine à Lyon a ainsi reçu l’agréement « Refuge LPO » de la Ligue de Protection des Oiseaux.
Citons aussi les expérimentations menées sur l’Installation de Stockage de Déchets de Huiron dans la Marne pour végétaliser les casiers* remis en état, dans le cadre du label « Végétal Local ».
*Un casier est une fosse étanche contenant les alvéoles destinées à recevoir les déchets dans un centre de stockage.
Quels sont les indicateurs clés pour piloter la politique Biodiversité du Groupe ?
Ce sont ceux qui relèvent des
objectifs datés et chiffrés fixés dans le cadre de nos engagements avec act4nature international. Le plus opérationnel est celui qui porte sur le
nombre de sites prioritaires couverts par un plan d’action en faveur de la biodiversité, avec l’objectif, comme nous l’avons vu, que l’ensemble de nos sites prioritaires soit couvert par un plan d’action d’ici 2025. Faire en sorte que
les projets d’investissement du Groupe prennent en compte la composante biodiversité est également un objectif et donc un indicateur clé. Être performant en matière de biodiversité c’est aussi augmenter significativement le volume de plastique recyclé, promouvoir le réemploi auprès des usagers, de nos collaborateurs et de nos fournisseurs. Et bien sûr réduire les émissions de GES de nos activités car climat et biodiversité sont étroitement liés. Enfin, nous devons concevoir
10 projets de référence relevant du concept de Solutions Fondées sur la Nature (SFN) à l’horizon 2025.
Qu'est-ce qu'une « Solution Fondée sur la Nature » et quelles sont les plus emblématiques développées par SUEZ ?
Les
Solutions Fondées sur la Nature (SFN) ne relèvent pas du biomimétisme, à l’instar du velcro qui s’inspire de la nature en imitant les graines de bardane qui s’accrochent aux animaux.
Les SFN reposent sur le fonctionnement de la nature et des écosystèmes pour servir à la fois l’homme et la biodiversité. Le concept de « Zones de Rejet Végétalisé » - dont la « Zone Libellule » est la solution brevetée - en est un exemple, adopté en Chine comme en France : on exploite les capacités épuratoires des zones humides pour augmenter la capacité d’abattement et promouvoir la biodiversité dans le même temps.
En France, dans les Pyrénées Atlantiques, la restauration écologique de l’ancienne décharge de Bordes, qui couple extraction de déchets et végétalisation des espaces, est également une illustration de Solution Fondée sur la Nature. Comment ne pas parler aussi de la solution d’adaptation au changement climatique développée actuellement en Martinique. L’idée :
restaurer la mangrove pour limiter l’impact des événements climatiques extrêmes et celui du batillage, c’est-à-dire l’érosion progressive des infrastructures du port de Fort-de-France due aux vagues. De même, lorsque l’activité Consulting du Groupe accompagne ses clients sur de la conception d’infrastructures vertes ou de la restauration de berges, ce sont encore des Solutions Fondées sur la Nature. C’est l’UICN qui a défini ce concept il y a une dizaine d’années et a produit en 2020 un standard qui comprend 8 critères relatifs à des questions d’
échelle, de viabilité économique, de gain net de biodiversité, etc.